« Hey, on peut savoir pourquoi t’es toujours désagréable comme ça ?! »


Kerrigane Takanori, en 7ème et donc dernière année à Serpentard se retourna vivement, faisant voler ses cheveux maculés de gel aux effluves de pamplemousse. Il baissa la tête, cachant ses yeux sous des mèches et la considéra, blasé, comme si elle venait de débiter la pire des horreurs. La jeune Serdaigle qu’il avait bousculée lui faisait maintenant face, droite, rouge et tremblante de colère. Elle serrait ses poings roses comme pour défier le perturbateur. Pressé, Kerrigane n’avait pas fait attention à cette élève et, somptueux dans son impertinence, avait continué sa route. Cependant, la Bleu et Argent ne se laissait apparemment pas marcher sur les pieds. Le jeune homme grogna lorsqu’il se rendit compte qu’elle avait l’impudence de s’adresser à lui et elle réitéra sa question. Elle avait dû avoir vent de la mauvaise réputation et du caractère irascible du Serpentard. Et, forte tête, elle lui avait balancé ce qu’elle avait sur le cœur. Mais cela ne suffit pas à faire réagir Kerrigane qui se dégagea d’un geste sec et bien calculé, dérivant pourtant sa trajectoire de départ.


Le jeune homme gravit les marches d’un escalier de marbre blanc quatre à quatre et s’engagea dans un couloir pour déboucher au final dans les toilettes. Il se sentait essoufflé car il avait marché hâtivement, comme s’il avait eu peur que la jeune fille ne le suive. Il réajusta son manteau de sorcier noir qui coulait sur son épaule. C’était le minimum de l’uniforme qu’il portait puisque l’écusson était adroitement cousu sur la poitrine. Dessous, il endossait un tee-shirt blanc lacéré conféré d’inscriptions, telles que « Only Rock’n Roll » ou « Born to sing ». En guise de bas, il était affublé d’un court short de cuir noir et chaussé d’épaisses chaussures sombres et luisantes. Une ganse de soie parme ceignait sa cuisse droite. Kerrigane lâcha ses livres et s’avança lentement dans la pièce. On entendait seulement le clapotis de l’eau contre ses semelles. Vide. Tant mieux, il était seul. Se passant une main fiévreuse dans la nuque, il arriva à hauteur des lavabos et des miroirs. Le jeune asiatique ouvrit l’eau et s’aspergea assidûment le visage. Son rimmel se mit à couler, traçant des sillons de larmes noires sur ses joues pâles. Délicatement, comme porté par une force calme et silencieuse, il leva son regard à fleur de peau vers la surface lisse de la glace et affronta son reflet.


Il ne s’était jamais posé cette question auparavant : pourquoi était-il si désagréable ? Aucune idée. Il est comme il est, non ? Que pouvait-il y faire ? Des tas de choses. Ce n’était pas sa faute. La magie. Voilà, l’Origine du Mal. C’était à cause de cette science qu’il se retrouvait chez les Mauvais. Les Perfides. Les Serpents. La magie lui avait tout pris, il ferait le Mal avec la magie. Le mal par son mal. C’était le seul moyen. Son âme ne pouvait plus être sauvée. Ses doigts aux ongles peints se crispèrent sur le rebord froid de la cuvette. Il tremblait. De joie ? De peur ? Kerrigane ne savait pas. Il ne savait plus rien. Il secoua sa tête, lourde de remords et d’idées malsaines. Finalement, pris d’un élan de rage, il s’empara d’une serviette-éponge qui dormait là et fit volte-face, balançant le bout de tissu humide à l’aveuglette. Ce n’est que trop tard qu’il se rendit compte qu’il pouvait regretter ce geste ... Ou pas ...